L’an dernier, au printemps, je me suis rendu à une compétition d’athlétisme dans un lycée de la campagne de l’Oregon. Un seul sprinter. Deux équipes de relais. Un sauteur en longueur s’entraînant seul. Les gradins ? Déserts.


Il fut un temps où les meetings du vendredi soir faisaient vibrer les villes. Aujourd’hui, ils n’ont plus lieu. Pas même comme un lointain souvenir. Je demande au coach : « Où sont tous les élèves ? » Il ne rit pas. Il soupire. « À l’entraînement de foot. Ou chez eux, sur leur téléphone. »


Ce n’est pas qu’un cas isolé. Partout en Amérique du Nord et dans certaines régions d’Europe, les programmes scolaires d’athlétisme rétrécissent — sous-financés, peu fréquentés, de moins en moins pertinents aux yeux des jeunes.


Pourtant, cela pourrait être différent. Le problème n’est pas que les ados détestent bouger. C’est que l’athlétisme, tel qu’il est enseigné aujourd’hui, ressemble à une corvée — pas à un choix.


<h3>Le modèle “une taille pour personne”</h3>


La plupart des programmes scolaires d’athlétisme suivent toujours le même schéma :


• Inscription au printemps


• Des semaines de tours de piste


• Compétitions classiques : 100 m, 800 m, saut en longueur, relais


• Répéter l’année suivante


Le souci ? Ce modèle suppose que chaque élève rêve de devenir un athlète d’élite. Or, c’est rarement le cas.


J’ai parlé à 15 élèves de trois établissements différents. Pourquoi ne font-ils pas d’athlétisme ?


• « Je ne suis pas assez rapide. »


• « C’est juste courir en rond. »


• « Personne ne regarde. À quoi ça sert ? »


Selon la Dre Naomi Ellis, chercheuse spécialisée dans le sport jeunesse et chargée de cours en activité physique et santé à l’université de Staffordshire, l’athlétisme traditionnel exclut souvent beaucoup de jeunes. Il favorise seulement certains types morphologiques, compétences ou objectifs, ce qui décourage la majorité des élèves potentiels.


À l’inverse, des activités comme les clubs d’escalade, les équipes de danse ou les tournois de frisbee intègrent mieux les élèves. Elles semblent plus inclusives, sociales, et moins stressantes. L’athlétisme, lui, peut parfois donner l’impression d’un examen redouté plutôt que d’un espace bienveillant.


<h3>Temps, accès et coûts cachés</h3>


L’athlétisme devrait être l’un des sports les moins chers. En réalité, il devient de plus en plus difficile d’y participer.


Beaucoup d’écoles imposent désormais :


• Des frais de participation de 75 à 150 $ (tenues, déplacements, inscriptions)


• Des entraînements de 16h à 18h, quatre fois par semaine — en conflit avec les emplois étudiants, la famille ou d’autres cours


• Un matériel insuffisant (trois javelots pour vingt lanceurs)


• L’absence d’épreuves accessibles aux débutants (marche, relais ludiques, courses fun)


Et pour les élèves sans transport ? Se rendre aux compétitions extérieures est tout simplement impossible.


« C’est injuste », explique Maya, 16 ans, qui rêvait d’essayer les haies. « Je travaille dans un café jusqu’à 18h. Quand j’arrive à l’entraînement, c’est terminé. »


Quand le sport devient un privilège et non une possibilité, la participation baisse. Ce n’est pas de la paresse. C’est une question de logistique.


<h3>Ce que font les écoles gagnantes</h3>


Toutes les écoles ne sont pas en difficulté. Certaines ont trouvé la clé — en repensant complètement ce qu’est l’athlétisme.


Prenons Lincoln High à Minneapolis. Ils n’ont pas seulement maintenu leur programme. Ils ont doublé le nombre d’élèves en deux ans. Comment ?


<b>1. Horaire flexible</b>


• Deux créneaux d’entraînement : 15h15 et 17h30


• Participation libre à n’importe quelle épreuve — sans sélection


<b>2. Priorité au plaisir</b>


• Ajout de relais farfelus : course en sac, roue avant, sprints à reculons


• Organisation de « Journées du Meilleur Temps Personnel » au lieu de compétitions classiques — sans classement, juste du progrès


<b>3. Création guidée par les élèves</b>


• Les élèves proposent de nouvelles épreuves (ex. : départ lancé sur 50 m, lancer de javelot en mousse)


• Création d’un « Club Athlétisme » indépendant du sport scolaire — sans condition de moyenne


<b>Résultat ?</b> La participation est passée de 22 à 58 élèves. La moitié n’avait jamais fait d’athlétisme auparavant.


La Dre Naomi Ellis souligne des études montrant que lorsque les jeunes se sentent impliqués et inclus, leur taux de participation augmente. Selon elle, le sport scolaire devrait viser davantage l’appartenance que la compétition.


Par exemple, une école en Écosse a lancé des « Tours Marche & Parle » : les élèves accumulent des points en tournant autour de la piste en discutant avec leurs amis, sans chronomètre ni pression — juste du mouvement léger. Aussi simple que cela puisse paraître, cette approche stimule l’engagement et les liens sociaux.


<h3>Une nouvelle vision pour l’athlétisme scolaire</h3>


Nous n’avons pas besoin de former des champions olympiques. Nous avons besoin de rendre le mouvement… attirant.


<b>Et si l’athlétisme n’était plus seulement un sport, mais un espace ?</b>


• Où les coureurs lents se sentent aussi bienvenus que les rapides


• Où sauter et lancer deviennent des jeux, pas des épreuves


• Où venir, c’est déjà gagner


<b>Quelques idées qui marchent :</b>


• <b>Des rencontres non compétitives</b> avec défis collectifs et prix de participation


• <b>Des “labs du mouvement” après l’école</b>, mêlant course, sauts, jeux et musique


• <b>Un tutorat entre élèves</b> — les plus âgés encadrent les plus jeunes


Il ne s’agit pas d’abaisser les exigences. Mais d’ouvrir la porte plus grand.


La prochaine fois que tu passes devant une piste déserte, demande-toi : quel pourrait être cet espace ?


Pas seulement un terrain pour les futurs champions. Mais un lieu pour tous les jeunes qui veulent bouger, rire, et se sentir intégrés.


Car l’athlétisme n’a pas à disparaître. Il a juste besoin de changer.


Et peut-être, tout simplement, que la prochaine génération courra — non pas parce qu’elle y est obligée, mais parce qu’elle en a envie.