Les grands singes fascinent l’humain depuis toujours, grâce à leur intelligence, leurs émotions complexes et leurs surprenantes similitudes avec nous. Parmi les questions les plus captivantes concernant nos plus proches parents — chimpanzés, bonobos et gorilles — figure celle de leur capacité à apprendre et à utiliser un langage des signes.


La possibilité pour un singe d’utiliser un langage gestuel a fait l’objet de nombreuses études, révélant des facettes insoupçonnées de leurs capacités cognitives et soulevant des débats profonds sur la nature même du langage.


Dans cet article, nous explorons si les singes peuvent vraiment apprendre le langage des signes, comment ils l’utilisent, et ce que cela nous apprend sur la cognition animale.


<h3>Qu’est-ce que le langage des signes, et comment les singes l’utilisent-ils ?</h3>


Le langage des signes est une langue visuelle qui utilise des gestes manuels, des expressions faciales et des mouvements corporels pour transmettre du sens. Employé par les communautés sourdes à travers le monde, il est aussi structuré et riche que les langues orales. Contrairement au langage parlé, il repose sur des relations spatiales et visuelles, ce qui le rend accessible aux personnes sourdes ou muettes.


L’idée que les singes puissent utiliser ce type de communication a émergé au milieu du XXᵉ siècle, lorsque des chercheurs ont commencé à enseigner le langage des signes à des primates. Le cas le plus célèbre est celui de Washoe, une chimpanzée femelle ayant appris le langage des signes américain (ASL). Première non-humaine à maîtriser un nombre significatif de signes, Washoe a marqué une étape décisive en utilisant ces signes pour s’exprimer auprès de ses soigneurs et d’autres chimpanzés.


<h3>Comment les singes apprennent-ils le langage des signes ?</h3>


Apprendre le langage des signes est un processus long et exigeant pour un singe. Cela suppose non seulement de mémoriser des gestes, mais aussi de savoir les combiner pour former des demandes ou des messages cohérents. Pourtant, avec une motivation adéquate et un entraînement régulier, les singes montrent une capacité réelle à intégrer ce système.


L’apprentissage commence généralement par des signes simples liés au quotidien : nourriture, jouets, actions familières. Les éducateurs utilisent le renforcement positif : lorsque le singe fait le signe pour « banane » ou pointe vers une porte, il reçoit l’objet ou l’action demandée. Peu à peu, il associe chaque geste à une conséquence, posant ainsi les bases de la compréhension langagière.


Des études montrent que certains singes maîtrisent des centaines de signes. Koko, une gorille célèbre, en aurait appris plus de 1 000, tout en comprenant plus de 2 000 mots parlés. Elle pouvait former des phrases simples comme « jouer » ou « mal », exprimant ainsi ses émotions et ses désirs. Ces capacités prouvent que les primates non humains peuvent participer à une forme basique de communication.


<h3>Que peuvent-ils communiquer avec le langage des signes ?</h3>


Les signes appris par les singes servent surtout à exprimer des besoins concrets, des émotions ou des interactions sociales. Voici quelques exemples :


<b>1. Besoins fondamentaux :</b> La majorité des signes servent à demander de la nourriture, de l’eau ou un objet. Par exemple, un chimpanzé peut signer « banane » quand il a faim, ou « eau » lorsqu’il a soif.


<b>2. Expressions émotionnelles :</b> Les singes peuvent aussi exprimer leurs sentiments. Koko utilisait des signes comme « triste » ou « amour » pour parler de son état émotionnel ou de son attachement à ses soigneurs — une preuve forte de leur profondeur affective.


<b>3. Interactions sociales :</b> Certains singes utilisent les signes pour interagir avec les humains ou leurs congénères. Koko et ses soigneurs ont même développé un vocabulaire gestuel pour exprimer l’affection, le jeu ou le besoin de compagnie, révélant une dimension sociale riche.


<b>4. Créativité et résolution de problèmes :</b> Parfois, les singes combinent des signes de façon inédite. Koko a ainsi associé « chat » et « bébé » pour désigner un chaton, montrant une capacité à créer de nouveaux sens — une forme d’innovation linguistique rudimentaire.


<h3>Les limites du langage des signes chez les singes</h3>


Si les singes apprennent de nombreux signes et les utilisent de façon pertinente, leurs capacités linguistiques restent limitées. Le principal obstacle ? La grammaire. Contrairement aux humains, ils ne combinent pas systématiquement les signes selon des règles syntaxiques complexes.


Par exemple, bien que Koko puisse dire « chat bébé », elle ne forme pas spontanément des phrases comme « Le chaton a faim ». Elle empile plutôt des signes simples, sans structure grammaticale. Cela suggère qu’elle comprend la communication, mais pas le langage au sens humain du terme.


Certains chercheurs remettent même en question la nature « linguistique » de ces signes, estimant que les singes imitent ou répondent à des stimuli plutôt qu’ils ne conversent réellement. Ce débat reste central dans l’étude de l’intelligence animale.


<h3>Que nous apprend ce langage sur la cognition animale ?</h3>


L’étude du langage des signes chez les singes éclaire notre compréhension de la cognition animale et des origines évolutives du langage humain. Leur capacité à mémoriser, ressentir, créer ou résoudre des problèmes montre une intelligence riche et nuancée.


Leur aptitude à exprimer des émotions ou à inventer de nouveaux signes remet en cause l’idée que seul l’humain possède une pensée symbolique. Pourtant, leur incapacité à maîtriser la grammaire ou à exprimer des concepts abstraits souligne une différence fondamentale : le langage humain reste unique par sa complexité et sa souplesse.


<h3>Enseigner le langage des signes aux singes : quels enjeux éthiques ?</h3>


Former des singes au langage des signes soulève des questions éthiques importantes. D’un côté, cela permet de mieux comprendre leur intelligence, leurs émotions et leurs besoins. De l’autre, cela pose problème quand ces animaux vivent en captivité, loin de leur environnement naturel, parfois exploités pour la recherche.


Il est donc essentiel que ces études respectent le bien-être des animaux, leur comportement naturel et leur dignité. La recherche doit toujours être guidée par des principes éthiques stricts.


<h3>Un aperçu de l’esprit des singes</h3>


La capacité des singes à apprendre le langage des signes nous offre un aperçu fascinant de leur monde intérieur. S’ils ne parlent pas comme nous, leur usage des signes révèle une intelligence, une sensibilité et une sociabilité profondes.


En continuant à étudier leur communication, nous en apprenons davantage sur l’évolution du langage et sur la richesse cognitive du règne animal. Et surtout, cela nous pousse à repenser notre place dans la nature — et notre façon de communiquer avec les autres espèces. 🌿💬